Capture d'écran Facebook Le Matin du Soir

Actuel – 04.11.2016

«Le Matin est en train de devenir une rédaction sortie du biorythme dicté par le print»

Nouveau venu dans la famille du quotidien «Le Matin», le «Matin du Soir» a été lancé lundi 31 octobre à 17h. Retour sur ses premiers jours d’existence avec Grégoire Nappey, rédacteur en chef du quotidien orange. Par Sylvain Bolt.

EDITO: En quoi le «Matin du Soir» est-il une «nouvelle expérience de l’information» ?

GREGOIRE NAPPEY: Il y a d’abord la forme. Cette webapp est quelque chose d’inédit en Suisse romande. C’est une ergonomie nouvelle, une manière de naviguer différente. Nous avons voulu créer un nouvel univers pour proposer quelque chose de plus calme, de plus posé. Avec ces cartes à ouvrir, qui sont en même temps des réceptacles à articles et dossiers reliés entre eux par des mots-clés.

L’autre élément est le moment où l’on publie, à 17h. Dans la presse écrite, il est inhabituel d’avoir des journaux du soir. Cela m’intéressait de réinventer le journal du soir à l’aune du numérique.  D’avoir son journal au moment où l’on sort du travail ou plus tard à la maison fait pour moi partie de la nouvelle expérience. Pour «Le Matin», proposer du contenu payant en ligne est également inédit et nous allons sur de nouveaux terrains (high-tech, sujets de société, mode, magazine) que nous n’explorons pas dans le journal.

Nous avons donc la forme, le moment et la nature de certains contenus.

EDITO: Publier une édition online chaque soir à 17h, en plus du print quotidien, est un véritable défi…

GREGOIRE NAPPEY: Nous avons complètement réorganisé la rédaction. Je peux vraiment prétendre que «Le Matin» est en train de devenir une rédaction sortie du biorythme dicté par le print, pour s’adapter aux autres supports sur lesquels il est actif. Nous avons avancé tout le processus de production et le traditionnel briefing matinal a lieu à 8h15.

Tout a été décalé et adapté pour que ce soit «Matin du Soir-compatible» et que l’on puisse en même temps produire un journal dans de bonnes conditions. Vous avez donc des journalistes qui peuvent partir plus tôt. Cela a été mis en place il y a deux mois, début septembre, pour pouvoir tourner à blanc en imaginant des articles puis en les rédigeant petit à petit. Cela nous a permis de trouver ce biorythme afin d’être mieux rodés et lors du lancement lundi dernier, cela n’a pas été un choc. La rédaction a joué le jeu sur quelque chose qui était très théorique et les gens s’y sont mis. Pour la grande majorité, cela s’est bien passé et maintenant c’est devenu naturel, nous avons tous adopté ce rythme-là.

EDITO: Vous proposez des «news sur mesure», une sélection d’infos qui s’adapte aux centres d’intérêts des utilisateurs.

GREGOIRE NAPPEY:  En effet, vous pouvez organiser l’édition à votre goût et ceci de deux manières. La première, automatique, en indiquant vos préférences par thème et rubrique et l’application tient compte de l’ordre dans lequel les cartes arrivent. En plus de cela, il y a un algorithme qui vient adapter le flux aux intérêts du lecteur.

C’est une première manière de personnaliser les contenus, d’être le plus ciblé possible et c’est quelque chose qui est intéressant pour le rédactionnel. Il faut tout de même fixer les limites et être bien conscient que la plus-value d’une rédaction et d’un titre, c’est aussi la hiérarchie que l’on propose.

EDITO: Ne risque-t-on pas justement de perdre cette hiérarchisation des news ?

GREGOIRE NAPPEY: C’est l’ordre qui est influencé. Sur 12 à 15 cartes quotidiennes, je pense aussi que l’œil va vite se rendre compte du reste. J’ai constaté que le public était curieux, les premiers retours ont montré que les gens apprécient les nouvelles expériences de lecture. Je pense donc que tout cela s’équilibre, ça ne m’inquiète pas trop. Nous allons analyser le comportement des gens, leur manière d’utiliser ces fonctionnalités et nous ferons les adaptations nécessaires. C’est une démarche, l’idée est celle d’un laboratoire, une expérience qui doit constamment s’adapter à la manière dont les gens la consomment.

EDITO:  Quelques jours après le lancement du «Matin du Soir» , pouvez-vous tirer un premier bilan ?

GREGOIRE NAPPEY: Pour l’instant, nous sommes satisfaits à la fois des retours de nos abonnés et de leur quantité. Le rythme d’abonnements que l’on connaît depuis quatre jours et l’importante campagne qui doit se poursuivre sur différents supports nous permet d’imaginer atteindre nos objectifs. Nous nous sommes fixé 8’000 à 9’000 abonnés sur deux ans environ.

Il n’y a pas eu d’immense critique jusqu’à maintenant. Je pense que plus le produit sera orignal par rapport au journal, mieux ça sera. A l’heure actuelle, nous proposons un quart à un tiers de contenus uniquement pour le «Matin du Soir» et le reste est aussi utilisé pour l’édition print du lendemain ou des jours suivants. Ce qui sort à 17h est donc inédit. Cet aspect de contenu réutilisé est l’un des aspects qui préoccupe les gens, on sent le besoin d’originalité. À nous d’essayer d’y répondre le mieux possible.

Ce qui est très important dans ce type de produit c’est le processus de paiement. Là, nous sommes encore un peu lourd, c’est perfectible bien sûr. Et l’on sait que dès que quelque chose ne fonctionne pas bien, nous perdons des gens…L’application peut aussi gagner en fluidité.

EDITO: Pourquoi cette «nouvelle expérience de l’information» va-t-elle convaincre un public plus jeune ?

GREGOIRE NAPPEY: Nous avons fait le pari d’identifier le public cible de notre site gratuit. Nous avons constaté que nous avons deux types de profils : celui du journal et celui du site/appli. Côté papier, le lecteur est plus masculin, plutôt âgé, plus éparpillé géographiquement en Suisse romande et les profils professionnels sont variés.

Sur le site et les applis, nous avons un public plus jeune (dans une tranche 35-50 ans), plus équilibré hommes/femmes (quasiment 50-50) et plus connecté et urbain. Cette seconde catégorie a très peu de contact avec le journal, parce qu’elle se contente de l’application. Nous allons donc leur proposer un produit plus ciblé, en leur demandant de payer un peu, en échange de contenus à plus-value qu’ils ne trouveront pas ou très peu sur le site gratuit.

EDITO: A terme, le «Matin du Soir» online et payant va-t-il remplacer la version papier du quotidien orange ?

GREGOIRE NAPPEY: C’est une éventualité parmi d’autres. Mon sentiment est que «Le Matin» a un avenir digital fort. Si nous souhaitons pérenniser cette marque qui est populaire en Suisse romande, ce n’est pas en gardant le modèle économique actuel, avec le papier, que l’on va y arriver. Il faut réimaginer le modèle économique global et l’une des pistes est que le journal disparaisse. C’est un travail sur des années que l’on doit faire et une réflexion profonde est impérative.

Sylvain Bolt

Sylvain Bolt

Journaliste Web pour Edito.ch/fr. Diplômé de l'Académie du journalisme et des médias de l'Université de Neuchâtel.

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