Actuel – 25.09.2014

Assises (1) Menaces en Suisse

« Le journalisme d’investigation est en danger dans notre pays ». C’est le message transmis par plusieurs participants à la première table ronde des Assises du journalisme, ce mercredi à Lausanne.

Premier témoin : Ludovic Rocchi, journaliste au Matin quand la police neuchâteloise est venue perquisitionner chez lui en août 2013. « Ne dites plus l’affaire Rocchi, dites l’affaire Aubert, du nom du procureur qui a ordonné la fouille ! » Son épouse a dû laisser entrer les enquêteurs à 7 h 30, les laisser tout regarder, jusqu’à ouvrir une boîte à tampax pour vérifier s’il n’y avait pas une clé USB. Ludovic Rocchi était alors à Locarno, averti par téléphone il a eu heureusement le bon réflexe de planquer son ordinateur dans les 5 minutes. Leçon à retenir : dire qu’on s’oppose à la perquisition et exiger des scellés.

Deuxième témoin : Yves Steiner, journaliste à la RTS, attaqué en justice par l’encaveur valaisan Dominique Giroud et ses 7 avocats. Pour 20 minutes au total de reportages télévisés, il subit 8 procédures et a dû passer « plusieurs semaines à ne faire que ça, répondre à des dossiers de dizaines de pages. » Pour rappel, dans un premier temps, un juge avait requis des mesures provisionnelles contre la diffusion de deux sujets sur M. Giroud, jugeant vraisemblable l’atteinte à l’honneur sans les avoir vus, sans avoir entendu la RTS, alors que tous les faits étaient avérés et l’encaveur avait lui-même reconnu ses fraudes fiscales.

Producteur à Temps présent, Jean-Philippe Ceppi a dressé un tableau des principales menaces sur le journalisme d’investigation, qui est selon lui « en danger » en Suisse :

– La jurisprudence qui rend presque impossible le journalisme sous couverture, pourtant nécessaire pour dévoiler des scandales. (« Pourquoi voit-on de moins en moins de sujets sur la corruption, la mafia, la maltraitance dans les grands médias ? »)

– L’absence de protection des donneurs d’alerte.

– L’érosion de la loi sur la transparence. (L’Office fédéral de la justice mène un audit sur l’application de cette loi, qui aurait pour défaut « d’inciter l’administration à retenir des informations. »

– La fragilisation de nos sources, qui craignent d’être repérées par la surveillance des moyens de communication. (« Sans elles, nous enterrerons l’investigation. »)

Dans un deuxième temps, le débat a porté sur le rôle joué par la Convention européenne des droits de l’homme (qui a 40 ans) pour protéger la liberté de la presse en Suisse. C’est en se référant à elle seule, a souligné l’avocat Yves Burnand, que le Tribunal neuchâtelois des mesures de contrainte a donné tort au procureur neuchâtelois dans l’affaire Rocchi – pardon, l’affaire Aubert. Juriste chez Amnesty International, Alain Bovard a évoqué 4 arrêts de la Cour de Strasbourg concernant les médias en Suisse. « La CEDH, a-t-il conclu, reste un bon couteau suisse au service de la liberté de presse. » Enfin, l’avocate Fabienne Aubry a évoqué des cas dans d’autres pays et relevé que « la CEDH ne protège personnes contre l’ignorance de ses droits. »

 

 

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