Zoe Salati a été la première femme journaliste du journal télévisé de la TSI.

Actuel – 23.03.2022

En hommage à la première journaliste du téléjournal tessinois

Passionnée, attentive et curieuse au monde jusqu’au 15 février dernier, Zoe Markus-Salati s’est éteinte paisiblement, entourée de ses proches.

Par Dunja Salati et Francesca Giorzi

Son père Vinicio Salati, écrivain, poète et journaliste, et sa mère Sonja Markus, danseuse et peintre, lui ont offert de multiples rencontres avec des personnes du monde entier : anti-fascistes, artistes, écrivains, peintres… Des personnalités qui ont marqué la jeune Zoe qui s’est immergée dans le monde de la littérature et de l’art.

A l’âge de 16 ans, elle quitte sa ville natale et s’installe à Paris pour travailler pendant deux ans comme jeune fille au pair auprès du grand philosophe et musicologue Vladimir Jankélévitch. Elle vivait dans une chambre de bonne, sans électricité, mais elle pouvait se promener sur les toits de Paris et profiter du grandiose panorama. Elle est restée huit ans dans la capitale française, perfectionnant son français, qui est devenu, comme elle le disait, sa seconde langue maternelle.

Cette période l’a profondément marquée, car elle a rencontré de nombreux intellectuels et artistes, devenus des âmes soeurs. Elle est restée attachée à Paris tout au long de sa vie, à tel point qu’elle a accepté le rôle de correspondante de la Télévision suisse italienne (TSI) dans les deux années qui ont suivi sa retraite.

Elle a rejoint le téléjournal en 1963 en intégrant l’équipe des actualités diffusées depuis le studio historique de la Kreuzstrasse à Zurich dès 1958. Zoe a été la première femme journaliste du journal télévisé. Elle traite d’abord des questions politiques, puis parvient progressivement à introduire des reportages culturels, questionnant des artistes et des écrivains du monde entier. Elle a rencontré notamment Alberto Giacometti à Paris, Marc Chagall à Zurich alors qu’il créait les vitraux de l’église du Fraumünster. Mais aussi Carlo Coccioli, E. Evtouchenko, ou J. Brodsky qu’elle a rencontré à Saint-Pétersbourg en 1966 et revu en 1977 à la Biennale de Venise en étant lié d’amitié jusqu’à sa mort. Ajoutons A. Soljenitsyne, V. Maximov (exilé à Paris) et bien d’autres.

Son amour pour la littérature russe s’est approfondi au cours des années, notamment grâce à son amitié avec plusieurs dissidents russes, un amour qui n’a jamais faibli et qui s’est traduit par une passion pour la poésie de Marina Tsvetaïeva et d’Anna Akhmatova.

Zoe revient au Tessin en 1980 et son déménagement l’oblige à passer du journal télévisé aux actualités régionales (Il Regionale puis Il Quotidiano). Elle y apporte immédiatement son ouverture d’esprit et son expertise culturelle. Les archives de la TSI contiennent 1300 sujets de Zoe Salati, dont ceux des premières années de ce siècle, lorsqu’elle était l’âme de la rédaction de la revue culturelle Eclettica.

Zoe a beaucoup voyagé : en Russie en 1966 avec Alex Sadkowsky et Max Frisch, ce dernier l’avait invité à célébrer son 50e anniversaire dans un théâtre de Moscou. La même année, elle rencontre Houari Boumédiène et d’autres combattants pour l’indépendance de l’Algérie. Elle s’est également rendue en Israël, dans diverses régions d’Afrique, en Grèce et en Iran où elle a eu l’occasion d’interviewer le shah d’Iran Reza Pahlavi. Une rencontre qui a laissé une trace indélébile dans sa mémoire : elle était la seule femme journaliste à avoir pu l’interviewer.

Ces dernières années, elle s’est efforcée de diffuser et d’honorer l’œuvre de son père, en publiant des articles dans Cenobio, Cantonetto, etc. et en organisant, entre autres, la soirée commémorative vingt ans après sa mort, « Vinicio Salati, un ticinese irrequieto », qui s’est tenue en 2014 à l’auditoire Stelio Molo de la TSI. Elle a également fait l’inventaire des œuvres de sa mère, la peintre Sonja Markus, à laquelle elle a consacré le documentaire de 2004 « La danza della vita »*

Sa prédilection pour la beauté, son sens de l’esthétique très développé, sa passion pour la littérature et la nature, ainsi que pour la musique, qu’elle aimait associer aux images, l’ont accompagnée jusqu’au bout.

Elle reste pour nous un exemple d’engagement civil et culturel, poursuivi avec constance, ténacité et beaucoup de patience.

*On peut voir le film sur youtube.com

Elle a exposé à de nombreuses reprises, notamment à la Villa dei Cedri à Bellinzone (2004), au Museo Epper à Ascona 2011 ou encore en Italie, à Robecco sul Naviglio.

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