M comme Marc-Henri Jobin – 13.12.2018

Huit secondes chrono

Merci de lire cette chronique! Statistiquement, je n’avais que huit secondes chrono pour vous convaincre de lire ce message, parmi les 10’000 auxquels nous sommes chaque jour confrontés. Et le plus difficile reste à faire:  éviter que vous ne me lâchiez! J’annonce donc la couleur: nous allons parler Donald, canards, enfumage et de nous dans tout ça!

Oui, Donald, celui avec l’appendice jaune au-dessus du front, a le même problème que moi. Mais à son échelle, capter l’attention, ce n’est pas six fois par année. C’est comme se brosser les dents, c’est au moins trois fois par jour!

A ce prix seulement, on a une chance d’émerger dans le flot de l’info. Mais se faire repérer est une chose, être entendu et suivi en est une autre. Donald Trump l’a compris, qui se comporte comme une rock star! Pour tenir les gens en haleine et empêcher les autres de vous voler la vedette, mieux vaut être fort en gueule et choquer avant de convaincre. Un petit coup de boule: rien de mieux pour se faire entendre! Et on s’explique ensuite, si nécessaire, pour rassurer les inquiets.

Et, force est de le constater: ça marche! Fascinés ou sidérés, qu’on aime ou qu’on déteste, on lit, on imprime, on commente. Peu à peu, nous devenons les victimes consentantes et un peu accrocs de Donald Trump. Comme pour House of Cards ou Games of Thrones, nous sommes scotchés devant ce grand avatar digitalisé de la Rome antique, où l’empereur-tribun, après avoir joué du pouce sur les réseaux, ne rechigne pas à descendre dans l’arène pour régler leur compte à ceux qui se mettent en travers.

On ne peut bien sûr pas masquer les actions et éviter les paroles d’un des plus puissants de ce monde. Mais cela suffit-il? Peut-on se contenter de ce grand cirque, qui nous distrait et nous tient hors du terrain et de la réalité des faits?

Trump nous a captés et ne nous lâche plus. Pourquoi nous provoquerait-il sans cesse, sinon pour affirmer son ascendant? Pourquoi ses conférences de presse ne servent-elles plus qu’à adouber ou humilier, que l’adversaire soit des médias ou pas? Pourquoi tout acte est-il désormais suspendu au commentaire ironique ou menaçant de Donald Trump?

Et nous dans tout cela, ne sommes-nous pas complices? Même malmenés, quelle cause servons-nous en nous prêtant à ce jeu? Celle du public ou la nôtre, vu l’embellie inespérée des canards engagés dans ce spectacle pour y donner la réplique?

A n’en pas douter, l’omniprésence trumpienne ne peut satisfaire seule les valeurs de courage, d’éthique et d’indépendance qui fondent notre profession et garantissent sa pérennité. Ce journalisme fondé sur ces valeurs indémodables n’est pas mort. Il faut juste lui redonner sa juste place et le porter plus haut dans l’actuel «bololo» médiatique. Vous en doutez? Alors lisez ce qu’en dit Sophie Roselli, lauréate du Prix Dumur 2018!

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