« Les seuls coûts, c’est nous ! » : Coline Emmel, François Pilet et Marie Maurisse (de gauche). Photo: DR

Actuel – 22.12.2021

Ils renseignent sur la criminalité en col blanc

Corruption, blanchiment ou fraude, tout ce qui touche à la criminalité économique intéresse le site d’information judiciaire Gotham City basé à Lausanne.

Par Jean-Luc Wenger

La journaliste française Marie Maurisse et son alter ego suisse François Pilet ont lancé le site ­spécialisé dans la criminalité économique Gotham City en avril 2017 à Lausanne. « Nous avons anticipé la fin de l’Hebdo avec qui nous collaborions beaucoup. Avec la mort de l’hebdomadaire, nous ne pouvions quasiment plus placer d’articles d’investigation », se souvient François Pilet qui constate qu’aujourd’hui, seule la cellule enquête de Tamedia peut se donner les moyens d’investiguer.

Les deux réalisent, au moment de notre rencontre, un reportage pour l’émission Temps présent sur la finance durable, mythe ou réalité ? Poser la question… Gotham City est un média de niche, « je me vois plus comme un éditeur que comme un journaliste d’investigation ». François Pilet parle volontiers de chronique judiciaire, un genre qui a une longue tradition.

« Avec nos moyens, nos compétences et notre savoir-faire, nous accédons de manière légale aux informations provenant des tribunaux et des greffes, souvent via des sources électroniques. Il s’agit d’informations publiques, même si elles sont parfois compliquées à obtenir, c’est ce qui nous intéresse et non la justice. » François Pilet aime à rappeler qu’il s’agit d’un site d’information et non d’investigation, lui qui a un faible pour la « crapulerie bancaire ».

Les Romains déjà. Une collaboratrice à 80 % et un réseau de correspondants, dont Federico Franchini qui suit les audiences du Tribunal pénal fédéral (TPF) de Bellinzone, renforcent le duo. Au début, Gotham City envoyait une newsletter hebdomadaire à ses clients. Aujourd’hui, les abonnées ­reçoivent le sommaire et accèdent au contenu via le site.

La plateforme d’information utilise peu la loi sur la transparence envers les autorités « mais la justice a un devoir de transparence, » rappelle François Pilet. « Les Romains, déjà, pratiquaient la justice en public. Pour le journaliste, la Ltrans est un outil important pour amener les administrations à la transparence. « Gotham City s’en sert avec l’autorité fédérale de surveillance des fondations, un outil particulièrement opaque…»

Grâce à la diffusion de Swissinfo. Le site compte un millier d’abonnés, mais certaines institutions ont des lecteurs multiples. La Finma, le DFAE ou le Ministère public genevois sont clients. Aujourd’hui, 80 % des abonnés sont des cabinets d’avocats, « mais ça se diversifie. Nous avons un rapport de confiance distante avec nos abonnés. Un avocat d’affaires genevois sera ravi de lire un dossier sur l’un de ses confrères, mais agacé lorsqu’on le retrouvera dans un article de Gotham City », sourit François Pilet.

Depuis ce printemps, Gotham City publie sa meilleure histoire une fois par mois sur le site Swissinfo.ch. « C’est très important pour nous. Un jugement qui ne fait aucune vague en Suisse mais peut avoir un grand retentissement à l’étranger, Swissinfo étant traduit en cinq langues. » Et comme presque toutes les affaires passent par la Suisse…

Mesures provisionnelles coûteuses. Economiquement, la petite agence s’en sort, « puisque les seuls coûts, c’est nous », rigole François Pilet. Seul bémol, « en 2020, nous avons reçu cinq mesures superprovisionnelles. Le tribunal nous a donnée raison quatre fois. Mais les dépens ne couvrent pas nos frais. » A ce sujet, il craint le projet de révision de la loi sur les médias. Un élu veut modifier le texte qui permet d’activer les mesures superprovisionnelles. Aujourd’hui, il est écrit que l’atteinte doit être « imminente et propre à causer un préjudice particulièrement grave ».

« En supprimant le ‹particulièrement›, on en vient à de la censure préalable, ça nous inquiète. Si ça devient encore plus ­facile, les criminels en col blanc lâcheront les chiens contre les médias qui menacent de révéler leurs turpitudes », se désole François Pilet.

Reste que « le modèle sur abonnements est fantastique. Il nous donne une indépendance précieuse. Nous sommes loin de la course aux clics et nous voulons offrir des articles de qualité. »

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