Actuel – 03.10.2022

Keystone-ATS à un tournant

Après le non du 13 février au paquet d’aide aux médias et quatre ans après la grève de son personnel, Keystone-ATS tente de relever la tête dans un climat tendu.

Par Alain Meyer

Pour conserver ses clients, en récupérer d’autres (20 Minutes par exemple) ou en dénicher de nouveaux, l’agence de presse Keystone-ATS lance pour 2023 un programme de restructuration de ses offres. « Nous misons sur une plus grande rapidité, un approfondissement des sujets et une présence accrue (sur le fil de l’info) aux heures creuses, tôt le matin et le week-end », résume à Edito Jann Jenatsch, membre de la direction de Keystone-SDA-ATS SA.

Il ajoute « qu’un nouveau service régional sera proposé pour la Suisse romande, le Regio News Arc jurassien /Fribourg ». Mais ce service ne serait en fait qu’une fusion de bureaux régionaux existants. Plusieurs journalistes de l’agence n’adhèrent pas à ce train de nouveautés. « J’ignore combien de temps nous allons pouvoir tenir à ce rythme », confie l’un d’eux sous couvert d’anonymat.

Postes interchangeables. Car des casse-têtes organisationnels menacent l’extrême fragilité de l’édifice, estiment nos sources. Surtout au sein d’une rédaction francophone « sous-dotée », dit-on. « Des journalistes en place au Palais fédéral ont été sollicité-es cet été pour ­seconder la centrale. Les bureaux régionaux s’y étaient déjà collés au printemps. Et il en sera encore ainsi cet automne », s’insurge-t-on. Une interchangeabilité des rôles qui fait peser un risque réel : une information régionale diluée. « Il en va de la crédibilité des informations fournies aux médias régionaux qui reprennent aujourd’hui volontiers nos dépêches », lâche-t-on en coulisse. Et pour cause.

Ces médias doivent, eux aussi, se serrer la ceinture, et par conséquent se reposent de plus en plus sur le tapis sécurisant du fil de l’agence. A cette pression s’ajoute la crainte parmi les journalistes « d’être bientôt minuté » pour rendre leurs dépêches. Sans entrer dans le détail, Jann Jennatsch ne dément pas cette course contre la montre. « Avec ce nouveau programme, nous parions sur une augmentation de la vitesse et exigeons de nos rédactrices et rédacteurs qu’ils réagissent rapidement ». Il précise toutefois : « be first, but first be right ». La vitesse oui, mais avec une vérification d’abord. « En plus, on con­tinue de nous demander toujours autant de valeur ajoutée », s’exaspère notre source. Eclairages ou analyses maison.

Dégradation des conditions. Peu avant l’été, la commission du personnel s’était fendue d’une lettre à l’attention de la direction, missive dont Edito a eu lecture. « La situation des employé-es n’a fait que se dégrader », s’inquiètent les signataires, s’indignant d’une absence ­de reconnaissance durant la crise Covid. « L’ambiance de travail est délétère », y lit-on. D’autant que dans le nouveau règlement du personnel qui entrera lui aussi en vigueur dès 2023, les journalistes âgé-es de plus de 45 ans se verront rogner des jours de vacances. Une semaine supplémentaire était jusqu’ici promise aux plus de 45 ans. Plus une autre dès 55 ans.

« Nous essayons de prévoir un montant pour des adaptations salariales individuelles, mais pas de hausse générale des salaires. »

Jann Jenatsch

Dès l’an prochain, ce bonus ne sera plus accordé qu’à partir de 55 ans. Ce règlement « ne fait qu’allonger la liste des problèmes », selon les auteur-es de la lettre, qui ont le soutien des syndicats syndicom et SSM. Sont demandés une compensation correcte pour les heures de travail du week-end/soir, une communication transparente de la direction, une convention collective de travail, des perspectives salariales, la compensation du renchérissement, ainsi que le remaniement de l’agence de presse en société de service public.

Contrats attractifs. Jann Jenatsch se dit circonspect sur un financement par la Confédération, privilégiant « une saine concurrence entre médias orientée vers la clientèle ». Quant aux jours de vacances rognés, « même si des collaborateur-trices ne bénéficieront pas d’autant de jours qu’avant ou de jours fériés payés, les conditions d’embauche restent ici attractives, comparées aux autres médias », répond-il. Mais les salaires seront-ils relevés pour contrer l’inflation ? « Nous essaierons de prévoir dans le budget 2023 un montant pour des adaptations salariales individuelles, mais pas de hausse générale des salaires », conclut-il.

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