Actuel – 06.09.2014

La COFEM veut changer toute l’aide à la presse

par Philipp Cueni, 5 Septembre 2014

La Commission fédérale des médias (COFEM) a présenté ce vendredi son premier rapport. Elle surprend en proposant de supprimer l’aide fédérale actuelle, qui subventionne la distribution des journaux par voie postale. Elle propose de la remplacer par un nouveau système de soutien au journalisme, qui passerait par la création d’une Fondation de type Pro Helvetia.

Le président de la commission, Otfried Jarren, nous déclare qu’il s’agirait à ses yeux d’un « changement de gouvernance ». L’analyse de la situation dans les médias, et en particulier dans la presse, montre que l’objectif ne peut pas être le maintien des structures et des services existants. L’État doit agir pour garantir des conditions-cadre favorables à l’exercice du journalisme, sans intervenir dans les contenus.

La Commission s’est posée beaucoup de questions, explique Jarren, sur l’utilité de l’aide indirecte telle qu’elle existe actuellement. Par exemple : « Comment sont utilisés les fonds économisés grâce cette aide ? Est-il opportun de subventionner des éditeurs qui suppriment des places de travail ? »

Selon la COFEM, l’aide à la presse devrait se concentrer sur le soutien au métier de journaliste et aux rédactions. La Commission propose des mesures à deux vitesses :

– A court et moyen terme, un soutien à l’ATS (Agence télégraphique suisse), à la formation des journalistes et aux projets médiatiques innovants.

– A plus long terme, des mesures qui requièrent des changements législatifs. Notamment la création d’une Fondation de soutien au journalisme.

Le rapport n’évoque pas la possibilité d’accorder des subventions directes à la presse, comme le demandent le parti socialiste et des chercheurs universitaires, qui citent l’exemple scandinave (voir l’interview de Manuel Puppis dans le dernier Edito). Selon Otfried Jarren, le contexte nordique est très différent. En Autriche ou en France, l’aide directe aux journaux comporte des zones d’ombre. Et la Commission estime que l’aide ne doit plus être associée à un mode de diffusion en particulier, tel que la presse imprimée.

Des résistances

Que l’aide change d’orientation, c’est la proposition la plus remarquable de la COFEM. Otfried Jarren parle d’un « shift ». Il ne faut plus soutenir les groupes de presse, les structures d’édition, mais ce qui peut favoriser un journalisme de qualité : la formation, l’information de base (via l’ATS), la recherche d’informations, les approches innovantes.

Otfried Jarren sait qu’il y aura des résistances. « On doit pouvoir oser, formuler les besoins. C’est maintenant le débat public qui est important. » Ensuite, il faudra un long processus de mise en oeuvre, étape par étape. Mais certaines mesures devraient pouvoir être appliquées aussi vite que possible, estime Jarren.

La résistance des éditeurs à la suppression de l’aide postale est déjà annoncée. Quant à l’idée de soutenir certaines activités journalistiques, elle pose encore de nombreuses questions : qui sélectionnera les projets ? Qui pourra en faire la demande ? Comment sera financée la Fondation ?  La COFEM laisse beaucoup de ces questions ouvertes. Son intention est d’ouvrir un débat de fond sans aller tout de suite dans les détails, précise Jarren. « Plus vous êtes concret, plus vous risquez de tomber dans des pièges et vous échouez à coup sûr. »

Oui, reconnaît-il, toute attribution de fonds comporte une part subjective, même si ça passe par une Fondation. Oui, la COFEM veut que le soutien à des prestations médiatiques ne se limite pas au service public, mais que des entreprises commerciales puissent en bénéficier dans la mesure où elles proposent des prestations d’utilité publique.

Le montant de l’aide fédérale accordée via une Fondation serait-il à peu près le même que les subventions actuelles à l’acheminement postal des journaux ? « Pourquoi pas », répond Jarren, sans vouloir se prononcer sur des chiffres.

Analyse critique

Ce ne sont pas seulement les propositions de la COFEM qui sont remarquables, mais aussi son analyse. Les tendances observées sur le marché médiatique remettent en cause, selon elle, la capacité des entreprises privées à assurer de bonnes prestations journalistiques. Elle relève que les profits des groupes de presse sont réalisés dans d’autres secteurs. Elle parle d’une perte de qualité et de diversité dans les informations d’intérêt public. Les conditions de travail se détériorent, elles deviennent parfois même précaires. Cette énorme pression rend de plus en plus difficile l’exercice d’un journalisme en profondeur, notamment dans le domaine politique. Le mainstream prédomine, dit Jarren, et « menace ce qui peut surprendre dans le journalisme. »

Service public

Dans ce premier rapport, la COFEM s’est concentrée sur l’aide à la presse. Elle traitera du service public dans un prochain rapport. Mais en analysant le paysage médiatique dans son ensemble, elle souligne déjà le recul de la consommation linéaire de la radio et de la télévision. Et l’évolution du secteur publicitaire ne touche pas seulement les médias imprimés : « À moyen terme, le service public est menacé. »

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