EditoRialement – 04.11.2016

Le poids du dogme

Ce qui est frappant, quand on suit le débat sur la politique des médias en Suisse (et surtout du côté alémanique), c’est la vigueur du dogme. Le marché résoudra tout. On ne prend pas la peine de se demander comment, hormis les incantations à l’innovation, c’est comme ça. Il faut lire le document de fond publié en août par l’UDC, «Diversité au lieu d’uniformité». Au nom de quoi réclame-t-il la réduction du service public et davantage de concurrence? Au nom d’une vérité libérale qui jamais n’est étayée.

Le problème, c’est que pour diverses raisons (migration de la publicité, culture de la gratuité, surabondance des contenus sur le web…), l’information généraliste est de moins en moins rentable – c’est comme ça. Ou ne peut le demeurer qu’à force de sabrer dans les rédactions, comme le fait Tamedia, une stratégie dont on peine à comprendre la logique et la durabilité – si ce n’est, là encore, par le filtre du dogme. Or de même qu’elle ne tient pas compte des dégâts écologiques, la quête du profit ne considère pas le rôle civique de l’information – ou seulement comme un facteur de valorisation du produit commercial.

Nous ne plaidons pas ici pour la révolution anticapitaliste, mais pour une réflexion qui ne se contenterait pas du dogme. Qui, parce que l’information n’est pas qu’un produit commercial et sert le bien commun, envisage aussi des solutions autres que compter sur le marché.

 

Sans doute la flexibilité du libéralisme lui permettra-t-elle – et lui permet déjà dans quelques cas – de trouver de nouvelles manières de rentabiliser de l’information de qualité. A commencer par celle qui intéresse des consommateurs aisés, mais pas exclusivement: nous explorons encore des exemples d’innovations prometteuses dans ce numéro 16/5 d’Edito.

Ce qui peut et devrait nous inquiéter, c’est l’avenir des médias généralistes. Ceux qui servent de lieu de partage commun d’une information fiable, et dont Patrick Badillo va jusqu’à prédire la fin prochaine. C’est le rôle que tiennent sur le plan régional des journaux comme «24 Heures» et la «Tribune de Genève», d’où le soutien politique local dont ils bénéficient. Ou que tiennent la télévision et la radio publiques.

Et voilà que tout chancelle en même temps: la presse et le service public, durement remis en cause par la moitié du monde politique suisse. La réduction de la SSR bénéficierait-elle à la presse? Probablement pas, en tout cas rien ne le prouve. Et en attendant, comme le disent la plupart de nos consoeurs et confrères travaillant dans le privé, mieux vaudrait ne pas démanteler ce qui fonctionne bien.

Editorial paru dans EDITO 2016 / 5

Votre commentaire

Veuillez remplir tous les champs.
Votre adresse e-mail n'est pas publiée.

* = obligatoire

Code de vérification *