Actuel – 11.03.2019

Nouvelles règles pour les réseaux sociaux

Depuis le début de l’année, le Conseil suisse de la presse est aussi compétent pour les blogs et les publications de journalistes sur les réseaux sociaux. Qu’est-ce que cela implique?

Par Bettina Büsser

Il était temps de réagir. Sinon nous serions dépassés d’ici cinq à dix ans», explique Dominique von Burg. Le Conseil suisse de la presse, qu’il préside, a réagi aux transformations dans le monde des médias, à «l’essor de l’internet et des réseaux sociaux». Après les travaux préparatoires d’un groupe de travail, il a redéfini son champ de compétences dans deux prises de position fondamentales.

Bien entendu, le Conseil suisse de la presse s’est déjà penché sur des cas relatifs à Internet. «Dans différentes situations, la question s’est posée de savoir si nous étions compétents», dit von Burg. «Jusqu’ici, notre critère de compétence était que les responsables définissent leur publication en ligne comme média journalistique et qu’ils déclarent respecter les règles professionnelles.»

Mais cette définition ne suffisait plus. Selon sa première prise de position fondamentale (1/2019), «la compétence du Conseil suisse de la presse s’étend à toute publication à caractère journalistique, quel qu’en soit le support ou la périodicité». Est considérée comme «publication à caractère journalistique» toute publication «résultant d’un travail consistant, dans une démarche indépendante, à récolter, choisir, mettre en forme, interpréter ou commenter des informations liées à l’actualité.»

Les Blogs et YouTube. En adoptant la définition de «publication à caractère journalistique», le Conseil suisse de la presse se déclare donc compétent pour les publications sur tous les supports, mais aussi pour les contenus journalistiques publiés à titre individuel. Il ouvre la voie à un grand nombre de nouveaux litiges potentiels: des plaintes concernant les blogs par exemple, mais aussi les films diffusés par YouTube. Mais avant tout, il doit définir à l’avenir dans d’autres avis ce qui définit le «caractère journalistique » et ce qui le différencie des autres publications. D’après Burg, «il nous faudra certainement attendre d’avoir traité plusieurs affaires, avant que cela soit clairement défini».

Cette prise de position ne change rien pour les journalistes qui ont respecté jusqu’ici les règles professionnelles. Il en va de même pour une partie de la deuxième prise de position fondamentale (2/2019), qui prévoit que les journalistes doivent aussi respecter les règles déontologiques lorsqu’ils «utilisent les réseaux sociaux pour enquêter» — ce qui semble aller de soi.

Ce qui est moins évident, c’est qu’ils seront à l’avenir «tenus au respect des règles déontologiques de la profession» lorsqu’ils «s’expriment sur les ré-seaux sociaux.» Est-ce à dire que tout tweet ou toute publication Facebook d’un journaliste devra se plier à ces règles? Non, car le Conseil suisse de la presse exclut de sa prise de position les propos «touchant à leur vie privée». De plus, il devra prendre en considération la «spontanéité caractéristique des réseaux sociaux ainsi que la large liberté d’expression qui y est pratiquée».

Opinion ou affirmation? Selon Dominique von Burg, les nouvelles règles ne concernent pas les opinions. Il l’illustre avec une affaire qui a été soumise au Conseil il y a deux ans. Un journaliste prétendait dans un tweet que la Suisse était le pays où les dépenses sociales étaient les plus élevées, après quoi quelqu’un lui a demandé de le prouver. «Le jour-naliste ne l’a pas fait, dit von Burg. Aujourd’hui, nous interviendrions dans un tel cas, car il s’agit d’une affirmation factuelle, et non d’une opinion.»

«La compétence du Conseil suisse de la presse s’étend à toute publication de caractère journalistique.»

Les premiers jugements montreront comment le Conseil suisse de la presse met en œuvre son nouvel objectif. Il faudra juger «au cas par cas», explique von Burg, et bien sûr il y aura toujours des cas limites: «C’est délicat. Mais la question de la crédibilité des journalistes est très importante en ce moment.»

Qu’est-ce que cela implique pour les journalistes? Dominique Strebel est juriste, journaliste et directeur d’études à la MAZ. Que pourra-t-il désormais ensei-gner à ses étudiants du cours d’éthique des médias en matière de comportement sur les réseaux sociaux? Il constate que « les formulations du Conseil suisse de la presse sont extrêmement ouvertes. On ne peut qu’essayer de se représenter la constellation des cas typiques possibles.»

Ainsi le Conseil suisse de la presse pourra se déclarer compétent si un journaliste s’exprime sur les réseaux sociaux sur des sujets à propos desquels il pourrait également écrire une contribution journalistique, en lien donc avec son «domaine de compétence journalistique concret ». Le Conseil suisse de la presse n’entrera pas en matière sur les publications ayant clairement un caractère privé.

Mais où se trouve la frontière entre le privé et le professionnel? Selon Strebel, les publications sur les réseaux sociaux sont privées si elles concernent un sujet sur lequel le journaliste n’écrirait pas de contribution, en fonction de son champ d’activité actuel: «Si un journaliste de la rubrique nationale écrit une publication sur un musicien, on peut vraisemblablement considérer que celle-ci est de nature privée.»

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