M comme Marc-Henri Jobin – 20.09.2017

Panem et circenses

Le moment tant attendu est là devant nos yeux! Celui qui voit les journaux renaître de leurs cendres. Cela se passe aux Etats-Unis. Eux qui si souvent nous précèdent voient leurs médias traditionnels retrouver des lecteurs, auditeurs et téléspectateurs qu’on pensait perdus à jamais.

Ce nouvel élan fait suite à l’élection de Donald Trump. L’emblématique New York Times a vu ses abonnés numériques grimper de 300000 dans les cent jours qui ont suivi l’investiture du nouveau président. Les grandes chaînes câblées ont accru leur audience de 55% en 2016. Il y a de quoi dérider les plus pessimistes.

J’ai aussitôt fait miens les avis positifs de commentateurs avisés. C’est le signal d’un renouveau du débat démocratique, une saine réaction au jeu d’influence misérabiliste que tente d’imposer le 45ème président des Etats-Unis à coup de tweets.

Le peuple des Etats-Unis réalise qu’il vaut la peine de payer des médias indépendants pour obtenir de l’information vérifiée et garder une vision critique de sa situation. J’ai salué aussi la réactivité des médias américains qui instantanément ont enforcé leurs pages politiques et leurs moyens d’investigation.

Incroyable! Jamais un président des Etats-Unis n’a autant méprisé les journalistes et rarement ces derniers ont été aussi suivis. Il faut remonter à Clinton-Lewinsky et au Watergate pour retrouver pareille effervescence. Réseaux sociaux et montée de l’autoritarisme politique aidant, le même phénomène pourrait bientôt s’étendre à l’Europe et à la Suisse…

J’en étais là quand une petite phrase est venue refroidir mon enthousiasme béat. Sur la RTS, Anthony Bellanger, journaliste de France Inter, a dit voir dans tout cela une «hystérisation» de l’information. «Donald Trump hystérise l’information et les médias, et les médias lui répondent sur le même ton», a-t-il dit.

Les médias hystériques! Comment osait-il quand même les annonceurs insèrent davantage de pub dans les émissions politiques? Pile à ce moment, un second interlocuteur, américain celui-là, a enfoncé le clou: selon lui, on peut parler de médias «gagnés»! Entendez, gagnés à la cause de Trump. Avec l’attention qu’ils portent à chacun de ses faits et gestes, ils en sont les porte-voix avant d’en être les critiques ou les défenseurs.

Il est vrai que, dans un paysage médiatique hyperpolarisé, les médias anti et pro-Trump défendent autant leurs intérêts que ceux du public, me suis-je dit. La question au fond est donc la suivante: le public regarde-t-il le président Trump et les médias s’affronter par esprit civique ou par divertissement, comme on suivrait un combat de catch? Personne n’a la réponse, mais le doute est permis. Si le rebond des médias US ne reflète que l’engouement pour une nouvelle forme de cirque, alors ce n’est pas de renaissance mais de décadence dont il faut parler.

Votre commentaire

Veuillez remplir tous les champs.
Votre adresse e-mail n'est pas publiée.

* = obligatoire

Code de vérification *