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Actuel – 30.03.2016

Strasbourg justifie le secret

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a publié un arrêt définitif. La Suisse n’a pas porté atteinte au droit à la liberté d’expression du journaliste Arnaud Bédat en le condamnant. L’Office fédéral de la justice (OFJ), qui représente le gouvernement suisse devant la Cour, a exprimé sa satisfaction dans un communiqué. Par Sylvain Bolt. 

Arnaud Bédat, journaliste à « L’Illustré », avait été condamné le 22 septembre 2005 à une amende de 4000 francs, dans le canton de Vaud, pour avoir violé l’interdiction de publier des débats officiels secrets (art. 293 du code pénal). Il avait fait paraître dans le magazine romand, le 15 octobre 2003, un article sur le drame du Grand Pont à Lausanne (lors duquel un conducteur fou avait tué trois personnes et blessé sept autres). Le journaliste avait cité des extraits des procès-verbaux d’interrogatoire par la police et le ministère public de l’automobiliste incriminé. L’article était accompagné de photos de l’intéressé, désigné par son nom, d’extraits de lettres qu’il avait adressées au ministère public et d’avis émis par des tiers sur son état de santé. Le Tribunal cantonal vaudois et le Tribunal fédéral avaient tous deux rejeté les recours d’Arnaud Bédat.

Une chambre de la Cour, par 4 voix contre 3, avait d’abord estimé dans un arrêt rendu le 1er juillet 2014 que la condamnation du recourant avait porté atteinte à son droit à la liberté d’expression (art.10 CEDH). « L’intérêt du public à être informé dans le cas concret des détails de l’affaire devait peser plus lourd dans la balance que celui des autorités pénales au bon déroulement de l’enquête, que la protection de la présomption d’innocence et que l’intérêt du prévenu à la protection de sa personnalité. »

Mais après une nouvelle examination de l’affaire par la Cour, demandée par la Suisse le 26 septembre 2014, la Grande Chambre a largement confirmé l’argumentation du Gouvernement dans l’arrêt qu’elle a rendu mardi 29 mars. Bien que soulignant l’importance que revêt la liberté de la presse dans une société démocratique, « elle conclut en l’espèce que la forme et le contenu de la publication ne peuvent s’expliquer par le besoin de la population d’être informée sur l’accident. Seul un intérêt public qualifié justifierait la publication de documents officiels secrets. Tel n’était pas le cas dans l’affaire examinée, d’autant moins que les autorités pénales avaient dès le départ informé régulièrement sur l’avancement de l’enquête et que l’article contesté n’était paru que quelques mois après l’accident. De plus, tant les droits de la personnalité du prévenu que la présomption d’innocence avaient été violés. La publication de documents concernant les débats, pendant une procédure pénale, menaçait en outre le fonctionnement de la justice pénale. »

Sylvain Bolt

Sylvain Bolt

Journaliste Web pour Edito.ch/fr. Diplômé de l'Académie du journalisme et des médias de l'Université de Neuchâtel.

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