Actuel – 18.03.2021

Tactiques médiatiques et coulisses de l’info

Depuis plus de deux ans, le journaliste Antoine Droux produit l’émission de RTS La Première « Médialogues ». Entretien avec un passionné de médialogie au parcours atypique.

PAR JEAN-LUC WENGER

L’un des débats actuels en Suisse touche à l’aide directe à la presse. Antoine Droux n’a pas un avis arrêté sur la question : « Je ne fais pas de politique, mais je pense que l’information n’est pas un produit comme un autre. » Pour lui, les médias sont nécessaires au bon fonctionnement de la démocratie. « Quand on a dit ça, on devine aisément ma position. » Et il constate que les journaux ont de plus en plus de difficulté à s’en sortir, leur structure économique étant en pleine évolution. «  Il faut garantir au citoyen l’accès à une information crédible, par exemple via le service public, financé directement par la redevance. Mais ce socle ne doit pas empêcher d’autres formes d’aides pour les médias privés. »

Concurrence. Ce printemps, naîtront deux nouveaux canaux d’information en Suisse romande, Blick.ch et Watson.ch qui ont engagé chacun une vingtaine de personnes. Sentant venir le vent, 20minutes.ch a également recruté et entend produire plus de vidéos. Mais cette concurrence exacerbée pourrait-elle signifier, à terme, la fin de l’un de ces projets ? « Il y aura probablement des titres qui mourront. Mais lesquels ? Et quelle sera la cause du décès ? » Comme il y a naissance, il y a la mort…

Complot. A l’heure de la parution de ce magazine, Antoine Droux aura déjà produit plus de 115 numéros de Médialogues. Il a accueilli environ deux cents invités durant l’heure d’émission du samedi matin. S’il ne devait retenir qu’une rencontre, il en citerait deux, le même jour !

En juillet 2019, il avait reçu, en ouverture, la directrice de la rédaction du magazine Marianne Natacha Polony. Une chroniqueuse et journaliste au regard acéré sur notre époque. En seconde partie d’émission, Antoine Droux avait échangé avec Alain Schaerlig, mathématicien, professeur honoraire à l’Université de Lausanne, qui est resté une légende dans l’esprit des Romands. C’est lui, en effet, qui commentait pour la Télévision suisse romande, en juillet 1969, la mission Apollo. Le titre de son intervention radio était « On a (peut-être) pas marché sur la lune ». Au micro, on trouvait aussi Thierry Herman, professeur à l’Université de Neuchâtel. Les deux scientifiques se demandaient comment l’on pouvait arriver à une proportion de 11% de Suisses qui mettent en doutent les premiers pas de l’homme sur la lune…

Pas de tabou. « Médialogues » parlent souvent des nouveaux médias, Antoine Droux en est-il un grand utilisateur ? « Non, je suis sur Twitter et sur Clubhouse, la CB du 21e Siècle. Mais j’ai renoncé à Facebook et ne suis pas sur Tiktok. » Par ailleurs, il salue la liberté éditoriale totale dont il bénéficie, dans la limite du mandat de service public, bien sûr ! Et en discussion avec la rédaction en chef.

Sur ce point, on lui demande si l’émission a abordé le thème du harcèlement à la RTS. Plutôt deux fois qu’une, répond le journaliste : « Dans ‹ Médialogues ›, j’ai évoqué le sujet le matin même de la parution de l’enquête du Temps, le 31 octobre 2020, en direct avec Pierre Ruetschi, l’ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève. Le 7 novembre, les deux rédacteurs en chef du Temps de l’époque ont pu s’exprimer. Le 21 novembre, une émission décortiquait les règles en matière de publication des noms. Enfin, le 28 novembre, il était question des racines du problème au sein de l’entreprise.

L’enquête du Temps était titrée « La RTS, Darius Rochebin et la loi du silence ». Aucun silence dans « Médialogues ».



Antoine Droux est né en 1973 à Porrentruy et a grandi à Delémont. Il effectue son apprentissage de cuisinier dans un petit restaurant de Courfaivre, toujours dans le Jura. ­Il part ensuite à Zurich et travaille au Dolder Grand. Au point de devenir chef de partie et d’avoir douze cuisiniers sous ses ordres. Il y passe quatre ans avant de passer par quelques grands hôtels vaudois. Déçu par la violence en cuisine, il se lance dans une formation d’ingénieur du son. Dans ce cadre, il apporte un jour sa voix à un sujet de Radio Fréquence Jura (RFJ) et ça plaît. Le voilà animateur, formé sur le tas. Il passe ensuite à Radio Fribourg avant de revenir à RFJ comme stagiaire journa-liste. On le retrouve plus tard comme correspondant à Neuchâtel de la RSR, devenue la RTS. Puis il est responsable des contenus numériques pour Arcinfo.ch, une cellule indépendante qui regroupait les productions de L’Express, L’Impartial et de la télévision Canal Alpha. En 2006, le voilà de retour à la RTS où il travaillera pour l’émission Forum, La Matinale, Vacarme et CQFD notamment, avant de reprendre « Médialogues » en septembre 2018.

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