Actuel – 10.03.2017

Un observatoire des journalismes à Neuchâtel

Un Observatoire des journalismes francophones va naître à Neuchâtel cet automne, placé sous l’égide de l’Académie du journalisme et des médias (AJM). David Gerber, Postdoctorant à l’AJM et qui collabore sur le projet, a répondu à quelques questions d’EDITO. 

EDITO: Qu’est-ce que l’Observatoire des journalismes francophones?

DAVID GERBER: L’Observatoire des journalismes francophones est une initiative de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) pour promouvoir la circulation d’idées constructives et le débat informé sur le journalisme entre les divers acteurs du champ (journalistes, publics, chercheurs, sources…). Elle prendra la forme d’une plateforme web, ainsi que d’une présence sur les réseaux sociaux avec plusieurs publications hebdomadaires, mais aussi d’une série d’évènements et de rencontre en face-à-face.

EDITO: D’où vient l’idée du projet? 

DAVID GERBER: Le projet découle assez naturellement du fait qu’en tant qu’institution académique de formation de journalistes, l’AJM est intéressée à l’ensemble de mutations qui affectent le domaine. Des modèles économiques en crise aux nouveaux formats journalistiques en passant par l’émoi des « fake news », les questionnements ne manquent pas chez les journalistes, ni chez les chercheurs, ni chez leurs publics.

«L’OJF cherche à améliorer l’interconnaissance entre des acteurs qui ont des intérêts parfois divergents»

Et plus généralement, qu’on soit spécialiste ou non, on est affecté – voire dépassé – par les changements en cours dans le domaine. En facilitant la circulation et la documentation des réflexions sur le journalisme, l’OJF cherche à améliorer l’interconnaissance entre des acteurs qui ont des intérêts parfois divergents mais gagneraient à se parler davantage.

EDITO: Qui finance l’Observatoire des journalismes francophones?

DAVID GERBER: Le projet est financé durant deux ans par le fonds AGORA du FNS (NDLR: à hauteur de 200’000 francs) qui évalue chaque année des dizaines de soumissions (sur 60 soumis en 2016, 20 ont été retenus).

EDITO: Qu’est-ce qui distingue cette plateforme des groupes/discussions liés à l’avenir du journalisme sur les réseaux sociaux par exemple?

DAVID GERBER: Notre plateforme s’affilie à une initiative préexistante, l’European Journalism Observatory (EJO). C’est un réseau qui rassemble plus d’une dizaine de plateformes dans diverses langues pour faire dialoguer les cultures journalistiques et promouvoir la réflexion sur les médias d’information de manière accessible. Cette intégration à l’échelle internationale nous permet de mettre en perspective et en même temps faire reconnaître les spécificités francophones et romandes. Les membres d’EJO sont autonomes mais s’engagent à traduire des contenus pertinents vers et depuis les autres sites. C’est une première forme d’interaction, qui donne notamment une chance aux chercheurs et praticiens locaux de se faire entendre au-delà de leurs frontières habituelles.

« L’idée est de sortir d’une relation purement verticale d’éducation aux médias pour expérimenter des formes plus proches d’une agora. »

Nous profitons d’ailleurs de cet entretien pour lancer l’invitation à vos lecteurs et rédacteurs : vos propositions de contributions seront les bienvenues – attendues même – pour que la plateforme déploie tout son potentiel. Et puis le fonctionnement d’EJO se veut participatif dans la mesure où il s’efforce de favoriser la circulation et le débat de ses articles sur les réseaux sociaux. Il invite aussi les lecteurs à commenter les contributions, même si cette fonctionnalité ne rencontre pas toujours le succès souhaité et connaît des limites évidentes.

EDITO: Vous avez le but de repenser le journalisme. Comment allez-vous y prendre pour attirer les jeunes ? 

DAVID GERBER: Non seulement les (potentiels) publics des médias sont difficiles à saisir pour les professionnels et les chercheurs, mais ils ont eux aussi des questions et des avis sur ce qu’est ou devrait être le journalisme. C’est le pari que nous faisons en organisant, dans la seconde phase du projet, des rencontres entre chercheurs, journalistes et écoliers. L’idée est de sortir d’une relation purement verticale d’éducation aux médias pour expérimenter des formes plus proches d’une agora. Mais il faut être honnête : on sort là des habitudes, tant pour les scientifiques que les journalistes, et c’est un vrai tâtonnement que nous entamons. Au niveau des contenus publiés aussi, nous prévoyons de tâtonner, notamment en expérimentant des formats enrichis mais accessibles, comme les illustrations à la main, des formats courts ou des productions multimedia.

EDITO: Et comment regagner la confiance du public ?

DAVID GERBER: Pour ce qui est de la confiance, on mise sur la conjugaison entre la qualité du contenu et sa diffusion large et gratuite. Mais gagner la confiance de lecteurs est un processus qui prendra du temps, et là encore l’expérience acquise par le réseau EJO est encourageante : après dix ans, les plateformes jouissent d’une bonne réputation.

Par ailleurs (et c’est pourquoi nous ciblons notamment les écoliers), nous pensons que connaître mieux les réalités du travail journalistique favorisera chez les jeunes des manières plus nuancées d’appréhender le rôle des médias. En leur donnant une place dans l’échange, on peut s’attendre à ce que les conceptions manichéennes et monolithiques des médias leur apparaissent peu pertinentes. Et dans l’autre sens, journalistes et chercheurs auront l’occasion de mieux saisir les rapports à l’information émergeants chez les jeunes.

 

Sylvain Bolt

Sylvain Bolt

Journaliste Web pour Edito.ch/fr. Diplômé de l'Académie du journalisme et des médias de l'Université de Neuchâtel.

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