Actuel – 28.07.2013

Au Honduras, les journalistes sont des cibles favorites du crime organisé

Une explosion de violence au Honduras touche en priorité des célébrités parmi les médias, les avocats, les activistes… Beaucoup y voient une nouvelle tactique d’intimidation des bandes criminelles. 

PAR THELMA MEJIA/INFOSUD-IPS, TEGUCIGALPA

Le 24 juin dernier, Aníbal Barrow (photo DR) était enlevé par des hommes armés à San Pedro Sula, à 450 km au nord de la capitale Tegucigalpa. Quinze jours plus tard, son cadavre démembré était retrouvé autour du  lac Villanueva, à une vingtaine de kilomètres du lieu de son kidnapping. Le meurtre de ce journaliste et professeur d’université émérite s’ajoute à la longue liste des homicides de personnalités et intellectuels qui plongent le Honduras dans l’effroi depuis trois ans.

Selon les sociologues, ce pays d’Amérique centrale est entré dans une phase de «violence de grande envergure», avec pour cible favorite les professionnels de l’information, dont les assassinats sauvages contribuent à répandre encore plus largement la terreur. La Commission nationale des droits de l’homme (Conadeh) recense 36 meurtres de journalistes depuis 2002. Mais 29 de ces crimes ont eu lieu depuis l’accession au pouvoir du président de droite Porfirio Lobo, en janvier 2010.

«Nous subissons une explosion de la violence que nous n’avions plus rencontrée depuis une quinzaine d’années, remarque l’historien et sociologue Rolando Sierra. Les victimes ne sont pas des citoyens ordinaires, mais des journalistes de renom, des prédicateurs évangéliques, des avocats ou des militants des droits de l’homme: la barbarie se propage vers les secteurs qui ont un impact très important sur la société».

 

Impunité

Choqués, des journalistes qui couvraient la récupération des restes de Barrow ont raconté comment ses vêtements ont été retrouvés enterrés à différents endroits. Et comment, plus tard, certaines parties de son corps ont été découvertes enveloppées dans des sacs ou  brûlées en pleine nature.

Le Honduras est considéré comme un pays particulièrement à haut risque pour les journalistes. Leurs meurtres sont concentrés dans 10 des 18 provinces du pays, dont la plupart sont connues pour être des plaques tournantes du trafic de drogue.

Quatre suspects ont été arrêtés pour l’assassinat de Barrow. Mais dix personnes ont été dénoncées pour leur implication par un témoin protégé, qui a été lui-même l’un des tueurs à gages. «Selon un témoin protégé, un groupe de délinquants opérant dans la zone aurait reçu 400’000 lempiras (environ 18’000 francs suisses) afin de tuer le journaliste. La somme aurait été versée par une personne « haut placée » selon certains médias», précise l’association Reporters Sans Frontières (RSF).

 

Lors des précédents procès concernant des meurtres de journalistes, l’impunité a régné pour quasiment tous les verdicts: un seul jugement a abouti à une peine de prison ferme. Mais cette fois, le Procureur Ramírez a bon espoir que vu «l’abondance de preuves», l’assassinat macabre de Barrow ne restera pas impuni.

 

Avalanche de violences
Avec une moyenne de 20 meurtres par jour, et un taux annuel d’homicides dix fois plus élevé que la moyenne mondiale, le Honduras est considéré comme l’un des pays les plus violents au monde. Début 2013, le ministère de la Sécurité a annoncé vouloir réduire le nombre d’assassinats dans l’année. Difficile de savoir si, à mi-parcours, la tendance s’inverse effectivement: les autorités ne rencontrent plus la presse depuis deux mois, et les communiqués officiels sont vidés de toute statistique.

De l’avis du journaliste et professeur d’université Miguel Martínez, «la cruauté de l’assassinat de Barrow nous ramène aux années 1990 en Colombie ou au Mexique actuel. Cela rappelle l’urgence d’un débat national sur le crime organisé et l’extradition. Le temps est venu pour la presse de savoir comment se comporter face à l’avalanche de violences encore à venir, et quels protocoles de sécurité doivent être utilisés».

 

 

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