Capture d'écran Feldberg Zine

Actuel – 07.11.2017

Feldberg zine, pour un journalisme hyperlocal

Un magazine consacré à une seule et unique rue bâloise d’environ deux kilomètres de long. C’est le projet réalisé par une étudiante en communication visuelle de la cité rhénane. Gros plan sur le journalisme hyperlocal.

Quel meilleur prétexte que la rue pour mettre en avant les gens? C’est à partir de ce constat, mais aussi en raison «des médias qui nous bombardent d’informations sur la même actualité, jusqu’au point d’arriver à ne plus ressentir d’émotions lorsqu’une bombe explose à l’étranger», qu’Ana Brankovic (27 ans) a eu le projet d’un magazine de journalisme hyperlocal. Il est dédié intégralement à la Feldbergstrasse, une rue populaire située dans le quartier du «Petit-Bâle».

Dans son travail de master en communication visuelle, Ana Brankovic explique que «dans un monde globalisé, les journaux locaux vont vers les gens et les écoutent. Le local a du potentiel, pourquoi ne pas aller plus loin?». Elle définit le journalisme hyperlocal comme une zone géographique restreinte, pour et sur laquelle des sujets sont réalisés concernant une petite partie de la communauté. Ou quand l'(hyper-)proximité sert de base pour traiter de sujets qui peuvent être appliqués à plus grande échelle.

«C’est aussi un hommage au journalisme en Suisse, qui rend possible un tel projet»

Le journalisme hyperlocal n’est pas nouveau. Il a connu une certaine notoriété dans les années 2000 et certains voyaient dans la plateforme américaine Everyblock – considérée comme l’un des sites pionniers qui a lancé le mouvement en 2007 – l’avenir du journalisme local sur le web. Comme beaucoup d’autres pourtant, elle disparaîtra en 2013. Plus près de chez nous, la Tribune de Genève a lancé en 2012 le premier site communautaire genevois, Signé Genève, qui traite de la vie de quartiers par la plume de ses lecteurs-reporters et la plateforme Bei Uns , a été lancée par la Luzerner Zeitung avec la même idée. L’étudiante bâloise, elle, s’est inspirée de son passé berlinois où des projets de journalisme hyperlocal ont la cote, tel que Zoom Berlin lancé par la Axel Springer Academie en 2012 et soutenu par le Berliner Morgenpost, l’un des principaux quotidiens berlinois. Le média, uniquement consacré à la Oranienstrasse et qui revendique «plein d’histoires fascinantes», a son slogan bien à lui: «La ville. Une rue. Ta vie». Citons encore Flaneur Magazine qui traite d’une rue par numéro à Berlin, «embrassant toute la complexité de la rue» et dont l’idée est d’utiliser «un microcosme unique pour raconter des histoires universelles».

«Chaque rue a son propre caractère et ses habitants, qui la font évoluer. La Feldbergstrasse devient par exemple toujours plus +trendy+ et les ateliers de design remplacent peu à peu les Kebabs, analyse Ana Brankovic. La rue m’inspire par la diversité des gens et la variété des thèmes et il m’a semblé intéressant d’en faire le portrait sous plusieurs perspectives. C’est aussi un hommage au journalisme en Suisse, qui rend possible un tel projet».

Journalisme, design et activisme 

De l’idée de la bâloise qui a vécu quatre ans sur la Feldbergstrasse est né Feldberg Zine, un magazine imprimé d’environ 90 pages paru mi-juin passé et disponible dans plusieurs librairies de la ville, ainsi qu’un site Internet. Ce sont 18 auteurs, photographes, illustrateurs, bénévoles et connaissances de la jeune journaliste qui ont participé à la réalisation du magazine dans lequel on découvre notamment le portrait d’un chauffeur de bus de la ligne 30, celle qui traverse la Feldbergstrasse mais aussi un «Manifesto of hyperlocalism». «L’idée de ce manifeste est que d’autres peuvent le faire, dans leur rue en Romandie par exemple ou ailleurs. Des amis de Dubaï vont d’ailleurs peut-être reprendre l’idée. Ça doit inspirer!», se réjouit Ana Brankovic qui décrit son projet comme un mélange entre du journalisme hyperlocal et du design hyperlocal et activiste. Le contenu journalistique se traduit par des interviews, portraits et des recherches sur la rue qui ont mené la jeune journaliste jusque dans les archives de la ville de Bâle. «Il y a une part d’activisme, notamment au niveau du design, car c’est un projet +Do it Yourself+ et l’idée est de créer une communauté».

«On s’identifie, on  fait des parallèles entre sa rue et celle-ci.»

Pour concrétiser cette idée de communauté, des écharpes avec le logo créé de la rue, des autocollants et même des chaussettes ont été produites. «Le local intéresse, car la proximité intéresse. Et l’hyperlocal créé des communautés. On s’identifie, on  fait des parallèles entre sa rue et celle-ci. Un artiste russe, qui a pris connaissance du projet sur Instagram mais qui n’est jamais venu en Suisse, a réalisé des dessins de la Feldbergstrasse pour le magazine en se baladant sur Google Street Views. C’est génial!», se félicite Ana Brankovic.

Son projet a été financé grâce à du crowdfunding directement dans la rue, avec deux bars qui ont organisé des soirées de soutien en faisant payer 10% plus cher pour reverser le bonus à l’initiatrice du projet. La ville de Bâle a également apporté son aide, «lui accordant sa confiance sans freiner sa liberté rédactionnelle» et les ventes du magazine sont satisfaisantes. Ana Brankovic a d’autres projets de journalisme hyperlocal. Sur la Feldbergstrasse qui évolue sans cesse. Ou dans d’autres rues de son quartier bâlois. Pourquoi pas ailleurs en Suisse? Elle est convaincue qu’il y a des gens intéressants dans chaque rue. Et espère que son projet inspirera d’autres à l’imiter.

Sylvain Bolt

Sylvain Bolt

Journaliste Web pour Edito.ch/fr. Diplômé de l'Académie du journalisme et des médias de l'Université de Neuchâtel.

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