M comme Marc-Henri Jobin – 19.04.2018

La bataille de l’après 4 mars

71,6%! Les plus optimistes n’osaient l’espérer. Un plébiscite en faveur d’un paysage médiatique fort et diversifié. Le peuple a balayé No Billag. Les claques sont distribuées, ça fait du bien!

Pourtant, la question n’est pas weg vom Tisch, écartée. L’éventualité d’un oui a incité les acteurs à s’interroger sur leurs perspectives. Ces réflexions ont laissé des traces. L’aide maintenue, beaucoup respirent mais d’autres se demandent pourquoi eux aussi n’auraient pas droit à ce coup de pouce.

Les éditeurs nationaux sont pratiquement les seuls à s’opposer clairement à toute aide directe aux médias. Question de principe, disent-ils: celle-ci crée une distorsion de la concurrence. Mais dès lors que celle-ci existe, il n’est pas exclu qu’ils demandent un jour à pouvoir en bénéficier.

Face aux reculs des recettes publicitaires et du lectorat, les éditeurs régionaux et locaux semblent davantage prêts à s’éloigner du dogme. En Suisse romande, le tabou est tombé. Les patrons de plusieurs titres considèrent une telle aide comme juste. En fait, ils en auraient besoin: pour se projeter à cinq ans et pour continuer de rivaliser avec radios et télévisions privées qui, bientôt, verront leur part à la redevance passer de 69 à 81 millions. Seules des restrictions trop importantes à leur liberté éditoriale les feront hésiter.

En cela, No Billag, même jetée aux orties, marque une étape historique. Il y aura bien un avant et un après 4 mars 2018. Non parce qu’il n’y aura plus d’aide aux médias mais, au contraire, parce que la majorité des citoyens et du monde politique a vu les enjeux et ne demande qu’à nous soutenir!

Encore faudra-t-il assez de moyens. Les journaux qui peuvent se réclamer du débat démocratique sont nombreux. Les soutenir pourrait coûter plus que les 6% de part de redevance réservés aux 34 radios et télévisions privées. Et il est presque sûr que les 2 millions d’aide promis à l’ATS ne suffiront pas à garantir une couverture journalistique digne de ce nom dans toutes les langues et toutes les régions du pays.

Le nombre de prétendants à l’aide directe va augmenter. Leurs besoins seront importants et durables. Pourtant, le montant de la redevance va baisser de 451 à 365 francs l’an prochain: c’est le prix du non à No Billag. Et c’est raisonnable, même si la SSR verra du coup sa part du gâteau bloquée à 1,2 milliard, soit 40 millions de moins que jusqu’ici.

Le souci, c’est la suite. Doris Leuthard a évoqué par deux fois une diminution à 300 francs. Ceux qui ont soutenu No Billag réclament 200 francs. Le «plan R» à 100 millions de Gilles Marchand ne remettra certes pas en cause la qualité de ce que produit la SSR. Mais il pourrait n’être que le premier pas de la «réforme permanente» annoncée. La bataille ne fait que commencer et s’annonce rude. Il faudra éviter qu’au final, elle ne remette en jeu ce qu’on a voulu sauver le 4 mars.

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