Portraits du paysage – 23.02.2016

Une voix stridente sur la voie publique

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Pour tout avouer, l’idée de ce blog est venue en marchant dans le quartier lausannois où je me suis récemment établie. J’y ai repéré des affiches… ou des pages de journaux, c’est selon. Placardées dans la rue, uniquement sur des infrastructures publiques (compteur électrique, conteneur etc). En partie déchirées parfois. Elles se déclinent selon trois variantes: « à la schtras’ », « à l’arrache » et « à la rue ». La ressemblance avec la une d’un grand quotidien est frappante : titre, intertitres, colonnes, dessin de presse, tout y est. On peut les voir dans plusieurs autres quartiers de la ville. C’est cette forme de médias différente, originale qui m’a donné envie de m’y intéresser. A y regarder de plus près, j’ai découvert des textes très critiques autour de problématiques locales. Le ton est cynique et insultant, les accusations personnelles, les positions engagées. Propagande ou journalisme ? On semble bien en présence d’un détournement de la forme au service du fond. En d’autres termes, ces pages ont l’apparence d’un journal, mais leur contenu n’est pas journalistique.

Lâcheté ou courage ? Telle a été la question qui me taraude à la suite de cette lecture.

 

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L’utilisation de l’anonymat permet de « se lâcher », mais excuse-t-il tout pour autant ? Une adresse mail discrètement indiquée dans un coin de la page permet de contacter les auteurs pour participer à leur projet. Si le type de propos permet de se faire une idée sur la provenance des auteurs, l’amalgame est trop rapide et facile. Mes e-mails à ladite adresse sont malheureusement (quoique sans surprise) restés sans réponse.

Je ne suis pas la première à m’interroger sur ces médias d’un autre genre. On trouve sur internet plusieurs autres tentatives de percer le mystère. Une photo de la page « à la schtras’» a même été répertoriée sur le site notrehistoire.ch, qui se veut une banque d’archives du patrimoine romand. Est-ce la preuve que ces pages sont prises au sérieux ? Que ce genre de publications a sa place dans notre paysage médiatique ?

Quelle qu’en soit la revendication, le journal de rue me semble un moyen intéressant d’occuper et de faire réfléchir sur l’espace public. On pourrait voir un point commun (l’unique et le seul) avec le quotidien gratuit 20 minutes : la présence dans l’espace public. Leur circulation sur la voie publique contribue justement à créer l’opinion publique. Surtout pour ce journal de rue. Cela participe de la constitution d’un lieu de débat. Faire discuter les citoyens entre eux, plutôt que de leur livrer un avis « pré-pensé ». On resterait bien devant une page de « à l’arrache » un quart d’heure, une heure, à discuter avec le voisinage. D’une pierre, deux coups : la rencontre avec les voisins et une bonne séance de rhétorique.

Mais à la différence du premier journal de Suisse, les pages de « à la schtras’ » ne peuvent s’emporter avec soi. Il faut alors prendre le temps. S’arrêter devant ce journal pour lire l’un ou l’autre article. S’exposer aux regards un peu ébahis des autres passants. « Que fait-elle pendant tout ce temps devant une pub ? », auront-ils peut-être pensé. « Y’a trop de choses à lire, et c’est écrit si petit… »

Difficile de savoir depuis quand ces affiches sont là, et jusqu’à quand elles y resteront. Pour l’immédiateté de l’information, on repassera. Mais, on l’aura bien compris, l’enjeu n’est pas là. Les auteurs parlent d’un prochain numéro. On l’attend avec impatience. Il n’empêche, le temps passe les affiches restent. Des passages répétés devant ces pages ne pousseront-ils pas finalement tout passant régulier à s’arrêter un jour ou l’autre ? Le lectorat potentiel de ces textes devient alors important.

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